La Compagnie Maître Guillaume

« …a pour objet la recherche, l’étude, l’exercice
de la musique et de la danse, et notamment
de la musique et de la danse ancienne. »

Dans les années 1980, Francine Lancelot, directrice de Ris et Danceries, me demande de réunir et de coordonner musiciens et danseurs afin de réaliser le déroulement d’un bal Renaissance à Dijon. Cet événement est à la base de la création de la Compagnie Maître Guillaume. De parcours divers et de pratiques artistiques différentes, nous nous trouvons rassemblés autour de ces répertoires allant de la fin du XVème au début du XVIIème siècle.
Nous pratiquons la rencontre d’une reconstitution musicale avec la pratique de la danse, confrontation directe et expérience indispensable pour vivre cette musique.
Les recueils de danceries, les traités, les partitions sont les moyens, les outils de reconstruction et de transmission. Notre démarche depuis le début, est successivement une lecture des textes, une sélection, une pratique, une assimilation, une maturation enrichies par la pratique d’autres répertoires. Puis vient la création de cette musique, établie sur nos convictions esthétiques et nos personnalités.

A la demande de Gérard Geay, nous faisons entrer la danse ancienne dans le cursus des musiciens du département de musique ancienne du C.N.S.M.D. de Lyon, puis au C.N.R. de Tours.

En 2000 j’ouvre la porte à d’autres répertoires avec le disque « Maintenant… Musiques de la Renaissance et d’Ailleurs… » et en 2002 à des réalisations vocales.
La fonction première de ces musiques est de construire avec le public une “communauté-éphémère”, le temps d’un bal. Puis, sur un plus long terme, par l’acquisition de vocabulaires musicaux et corporels communs, l’échange va exister ;
le corps et l’esprit s’éduquer ; les rencontres entre les musiciens et les danseurs vont se vivre…
Dans son article les “imaginaires du bal”, Anne Nardin écrit :
« Lié au loisir, à la fête, le bal propose une rupture. Rupture dans le cours régulier du temps, rupture spatiale, le plus souvent, rupture quand aux codes et aux formes de la relation puisque, c’est essentiellement sur un mode corporel que la communication s’établit, rupture enfin à l’égard du réseau des relations dans lequel chacun se trouve pris […]
Fête, liberté, ouverture, aventure, initiation, tentation, communion, le bal est porteur de toutes ces dimensions, de toutes ces expériences. C’est un événement individuel et collectif.
Et cet événement laisse des traces qui habitent l’imaginaire individuel comme l’imaginaire collectif. » Les bals de la Compagnie Maître Guillaume ont invités à la danse des milliers de personnes dans des lieux aussi divers que l’Agora d’Evry, le Bateau Feu de Dunkerque, le château de Chambord, l’Espace Fraternité d’Aubervilliers, le Figuier Blanc avec le Conservatoire de Musique et de Danse d’Argenteuil… lien vers site cmg

Le festival de musique ancienne en 1984  dirigé par Jean-Louis Charbonnier nous commande un spectacle de danses et de musiques anciennes. Il n’était pas question pour moi de mettre sur scène le bal. Le spectacle et le bal étant des fonctions de la danse différentes. Je réalise donc des chorégraphies qui utilisent en le développant le vocabulaire transmis par l’Orchésographie (1588), dans un dialogue minutieux et sensible avec la musique. Cette écriture sera enrichie, diversifiée d’un spectacle à l’autre selon les danseurs et les musiciens porteurs  des projets : collaboration avec Jean Guizerix, Wilfride Piollet et Jean-Christophe Paré, pour « Gaillardement Vôtre » Nuit des Musiciens, rencontre avec les mimes Cécile Roussat et Julien Lubeck dans « D’où vient cela.. ». Après le spectacle « D’où vient cela » en novembre 2004 (à Vincennes), dans lequel j’avais ouvert la porte aux rencontres de plusieurs écritures chorégraphiques, un certain remue ménage a secoué la compagnie. Des départs, des arrivées… Parmi celles-ci, deux danseurs contemporains rencontrés au CNSMDP, élèves puis stagiaires à mes côtés sur les rapports musiques/danses dans le cadre de leur perfectionnement : Romain Panassié et Victor Duclos, tous deux également musiciens, curieux d’autres danses, d’autres répertoires.
Avec Romain, et la complicité du percussionniste Florent Tisseyre, nous créons en 2005  DuoS, pièce de 20 minutes, dans laquelle nous explorons un mode d’écriture basé sur les relations rythmiques entre la musique et de la danse. Cette collaboration est le point de départ de l’aventure de Six voix Douze Pieds : une écriture chorégraphique à trois voix – Romain, Sophie, Victor – basée sur la chanson de la danse et de sa rencontre avec la musique. La rencontre avec Nicolas Rouzier et Joan-Francés Tisnèr, musiciens traditionnels, s’est faite autour de nos curiosités réciproques de découvrir d’autres univers, de les partager et de les développer.
Depuis plusieurs années je me suis attachée à construire pour le bal un répertoire de danseries menées à la voix, avec la participation de Denis Lamoulère, de Pierre Delattre puis de Thomas Georget. Nos spectacles : Révérence Passagère, Gaillardement vôtre, D’où Vient Cela, DuoS,
Orchéso ! Orchéso !, Six Voix Douze Pieds.

Six Voix Douze Pieds

Le dialogue entre danse et musique est la matière première de l’écriture, et le rythme sa colonne vertébrale. L’écriture chorégraphique, naît de l’exploration ludique des univers musicaux de la Renaissance et traditionnels et intègre des pas de danses issus du vocabulaire de ces répertoires par citations, transformations. La composition d’un contrepoint rythmique, comme préambule à la création chorégraphique, réunit la danse, le chant et l’instrument, équilibre les discours. Le geste peut alors dialoguer avec le son, au-delà de toute narration. Les qualités d’épaisseur, volume, et densité du mouvement rencontrent la richesse des sonorités.

Un puzzle de modules qui tantôt glissent, tournent, sautent ou frappent le sol, vient bousculer la régularité du phrasé mélodique. Les danseurs suivent leurs propres chemins selon une partition rigoureuse, pour mieux se retrouver à l’unisson ou en canon, toujours emportés par la musique et son rythme installé. Les corps vrillent, s’enroulent et se déroulent au grès de parcours éphémères qui dessinent cercles, rosaces, et spirales comme autant de voix superposées à celles des chanteurs.

Sur une pavane monodique à la régularité mélancolique, les danseurs déroulent une lente fresque animée. Librement inspirées de la représentation des corps dans la sculpture et la peinture à la Renaissance, les formes se font et se défont imperceptiblement sur la trame de la mélodie.

Sur une suite de gaillardes chantées a capella , une chorégraphie originale, perlée de citations des pas décris dans l’Orchésographie de Thoinot Arbeau, poursuit le dialogue et annonce les gavottes sonnées à la cornemuse : une succession de soli où chacun se mesure à l’énergie de la musique.

Dans les duos musicien-danseur, la danse s’inscrit dans les silences et les respirations de l’instrumentiste, s’étire pour entrer en résonance avec le son ou se presse pour mieux le devancer. L’écriture alterne parties ciselées et formes plus souples, laissant place à l’expression spontanée et immédiate des interprètes. Chacun est alors tour-à-tour meneur du jeu, pour emporter l’autre dans son élan.

De la poésie des mots chantés naît une danse qui marie gravité, presque solennelle, et touches ludiques voire humoristiques, passant d’un clin d’œil à l’autre comme autant de bulles d’une même bande dessinée.